Animals As Leaders – 30 millions de notes

Par Laurent B. le 12.06.2019

Après un weekend fort chargé en concerts de grande envergure, avec notamment les shows d’Alice in Chains et de Jamiroquaï, c’est dans son club que la Rockhal accueille ce soir [ndlr: 03 juin 2019] dans une ambiance plus intimiste deux formations metal de choix, certes moins accessibles musicalement que les groupes précités, mais néanmoins extrêmement talentueuses.

C’est donc devant un public averti et plutôt bien fourni pour un Lundi soir que se produisent les américains de Car Bomb et d’Animals as Leaders sur une des premières dates de leur tournée estivale qui les amènera jusqu’à la République Tchèque et la Russie. Car Bomb avait déjà foulé récemment les planches Eschoises lors de leur tournée en première partie des français de Gojira, le chanteur Joe Duplantier a d’ailleurs produit dans son studio New Yorkais leur dernier album en date « Meta ».

Difficile de décrire le son de Car Bomb, la première approche est plutôt déconcertante tant leurs compositions semblent partir dans tous les sens, les changements de tempos, riffs saccadés, polyrythmies et blasts sont légions, on pense à Meshuggah sur certains riffs et au côté « in your face » et brutal d’un Burnt by the Sun. Bien que régulièrement affublé de l’étiquette pompeuse de groupe « Mathcore », Car Bomb parvient à maîtriser avec brio ce qui semble être à priori un gigantesque chaos sonore et à le rendre digeste grâce notamment au chant, la plupart du temps saturé mais parfois aussi, clair. Le public, très sage, semble apprécier ces quarante cinq minutes intenses, le groupe semble lui paradoxalement plus décontracté et détendu que l’auditoire, à tel point que leur guitariste se sentira obligé de se fendre d’un « It’s so quiet, it’s weird ! ».

Quelques instants plus tard et c’est au tour du trio instrumental d’Animals as Leaders d’investir la scène. Cette tournée est l’occasion de fêter les 10 ans de leur album éponyme, premier de leur discographie, mais à l’inverse de formations metal passées récemment dans nos contrées (Katatonia, Der Weg Einer Freiheit) nous aurons droit à une setlist variée reprenant des morceaux issus d’autres albums et non à une restitution à l’identique de leur premier enregistrement studio.

Tosin Abasi et sa bande nous offriront comme attendu un concert de très haute volée d’un point de vue technique. Sourire aux lèvres et avec une aisance déconcertante, Tosin aligne ses riffs sur ses guitares 8 cordes avec une virtuosité remarquable, son compère Javier Reyes officie lui également sur une guitare 8 cordes et complète admirablement le jeu de Tosin, l’absence de basse ne se fait nullement ressentir ici. La section rythmique particulièrement efficace de Matt Gartska vient appuyer le tout avec une précision chirurgicale proprement ahurissante, mais ses petits solos improvisés ici et là font leur petit effet et donnent parfois l’impression d’assister davantage à une performance jazz plutôt qu’à un concert de metal progressif instrumental.

Fort heureusement cette débauche technique totale à laquelle nous avons assisté ce soir ne s’est pas faite au dépend de l’émotion, et ce même en l’absence d’un chant qui viendrait humaniser le tout. « The Brain Dance » apporte ainsi un court répit acoustique, tandis que le single « Physical Education » donne lui une note presque « guillerette » et dansante à l’ensemble, les différentes compositions sont suffisamment variées et accrocheuses pour maintenir dans la durée l’attention du spectateur ébahi devant une telle performance sonore. Car au final on ressort tout de même un peu rincé de ces 1h15 de profusion quasi ininterrompues de riffs et de motifs rythmiques, mais aussi pleinement satisfait d’avoir assisté à cette démonstration magistrale donnée par des musiciens aussi inspirés et surdoués que ceux d’Animals As Leaders !