Christine & the Queens

Quand Christine pulse au Nancy Jazz Pulsation

Ce soir là, le rendez-vous est pris pour venir voir Christine & the Queens au festival Nancy Jazz Pulsation.

A « L’autre canal », la jeune nantaise de 26 ans est venue charmer le public de la grande région. Les lumières s’éteignent, Héloïse (c’est son vrai prénom) entame une heure de show très soigné pour nous transmettre sa « chaleur humaine » (titre de son album, ndlr). L’ancienne normalienne a travaillé d’arrache-pied tant le jeu des lumières, les chorégraphies, les textes, que les mélodies.

Vêtue d’un élégant chemisier blanc boutonné jusqu’au col, rehaussé d’un très sobre costume noir, elle entame en dansant ce mélange de break dance, de vogging et de chorégraphie contemporaine qui la caractérise. D’abord un peu intimidée face à la réserve lorraine, la chanteuse ne parle que très peu entre ses premiers morceaux. Puis, l’atmosphère se détend, se réchauffe, elle nous transmet son plaisir de danser, d’être là, de vivre le moment, simplement.

On a plaisir à l’entendre interpréter en live les chansons de son album que nous avions découvert peu avant l’été. A travers ses titres, on voit transparaître l’expression de ses blessures. Son histoire, on l’avait lue avant : suite à une rupture amoureuse difficile, elle abandonne normale sup’ où elle apprenait le théâtre et part à Londres. Là, le soir, elle erre seule dans les bars et fait la rencontre de transsexuels. Ce sont eux qui inspireront une partie des questionnements de ce premier album. Au fil des paroles et des ondulations sensuelles de ce corps de femme sous un costume d’homme, Héloïse questionne le genre sans militantisme. Elle cherche simplement à partager son sentiment qu’il n’y a qu’une seule et unique chaleur humaine à faire naître et partager, sans considération de sexe.

Les chorégraphies très hétéroclites sont inspirées tant de Pina Bausch que de Michaël Jackson. C’est ici que l’on perçoit la double culture de la chanteuse : mi-intello, mi-pop. Un métissage que l’on retrouve également dans ses textes, dont certains ont l’ésotérisme des paroles de Bashung et d’autres la sensibilité un peu kitsch du compositeur des « mots bleus », Christophe.

Avec « paradis perdus », Christine nous fait découvrir ses talents d’alchimiste en unissant un texte éponyme de Christophe daté de 76 à un son de Kanye West. Après une chanson mélancolique, la chanteuse entame quelques pas de break dance sur un bon gros rap US. Le public se fige une seconde, désarçonné, rit, un peu décontenancé. La jeune chanteuse refuse de choisir son public. Elle se veut protéiforme, capable de satisfaire à la fois son exigence intellectuelle et son plaisir populaire en mêlant les deux univers au gré de ses humeurs.

Si les nuances de mélancolie colorent ce premier album, la jeune femme ne s’interdit aucun registre, prenant l’auditoire par la main, elle l’emmène faire le tour de la palette des émotions humaines. Elle ne veut pas être cataloguée comme une chanteuse triste mais bien comme une artiste qui utilise son vécu pour construire son oeuvre. La profonde tristesse de sa rupture, Héloïse l’a transformée en force créatrice pour son personnage de scène qui fait « son make up au mercurochrome ».

Sa catharsis est d’ailleurs un véritable délice. Transformer le plomb des souffrances en disque d’or, un talent qui a d’ores et déjà été reconnu puisqu’elle a reçu en Juillet cette récompense qui couronne les rares artistes encore capable de vendre cinquante mille albums à l’heure où les musiques s’écoutent en streaming et s’échangent en pear to pear.

Nicolas Margot

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