Ciné branché sur le ballet

Royal Opera House de Londres: retransmission en direct le 12.11.15 dernier au CNA (Centre National de l'Audiovisuel) de Dudelange

Voir un ballet d’opéra au cinéma… la technologie semble ne plus s’arrêter. Une possibilité confortable de voir les scènes les plus prestigieuses depuis le cinéma du coin, c’est tentant. Mais le doute subsiste: le rendu sera-t-il pareil sur l’écran que lorsqu’on assiste à une prestation live sur place? Tentons le concept, proposé par le CNA de Dudelange, en partenariat avec le Royal Opera House de Londres.

Pour ce coup d’essai, mon choix s’est porté sur une soirée dont la programmation était très riche, avec pas moins de quatre pièces s’enchaînant. L’occasion idéale de voir si les émotions des différents styles de danse transpercent l’écran… ou pas.

Après moult publicités sur le Royal Ballet londonien, c’est le jeu, les deux présentatrices sur place, très investies (grands sourires figés et éloges sur chaque spectacle), nous informent sur la programmation de la soirée. Avoir l’historique et le contexte de chaque ballet apporte un réel plus. En effet, il est toujours intéressant de resituer la démarche créatrice du chorégraphe.

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PROGRAMME de ce 12 novembre 2015:

Viscera

chorégraphe: Liam Scarlett // compositeur: Lowell Liebermann

L’après-midi d’un faune

chorégraphe: Jerome Robbins // compositeur: Claude Debussy

Pas de deux de Tchaikovsky

chorégraphe: George Balanchine // compositeur: Tchaïkovsky

Carmen

chorégraphe: Carlos Acosta // compositeur: Bizet

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Le premier volet de cette soirée s’intitule Viscera (les viscères en latin, tout un programme). C’est osé, contemporain, on attaque la soirée par 25 minutes intenses. La mise en scène est dépouillée de tout décor, costumes minimalistes, les mouvements vifs, nerveux. C’est épuré et fort à la fois, parfois même limite stressant.

Composé de trois parties dont deux en groupe, c’est bien le pas de deux central, plus lent qui sublime ce ballet: la chorégraphie est belle et travaillée tout en étant sans fioritures. Par moments, les mouvements semblent empruntés aux figures de patinage artistique tant les danseurs glissent sur scène. Ainsi, les portés sont tout à fait impressionnants de par la force brute et gracieuse du danseur et la légèreté doublée de grâce de la danseuse.

Via une interview de Liam Scarlett, ce dernier nous explique qu’il souhaitait évoquer la meute, animale et instinctive telle une nuée d’oiseaux prenant leur envol. Viscéral, voilà d’où vient le nom de la pièce, où le reflexe animale, à la fois brut et naturellement gracieux prend ici toute son ampleur.

Après une brève entracte, s’ensuivent deux courts pas de deux (environ 10 minutes chacun).

Le premier pas de deux – L’après-midi d’un faune – est original, frais et innocent: deux jeunes danseurs s’entraînant face au miroir se découvrent et se rapprochent.

Ils apprennent à se connaître face au miroir, soit nous. Regard intrusif de notre part devant les liens timides qui se créent.

Le deuxième, Pas de deux (de Tchaïkovski) est classique, … très classique. Même s’il est réalisé à la perfection, quand on a déjà vu quelques ballets classiques, on ne peut s’empêcher d’avoir comme une impression de déjà-vu.

Et voici Carmen, le clou du spectacle, le point d’orgue de la soirée car c’est surtout la dernière représentation sur scène du danseur Carlos Acosta, qui pour finir en beauté s’est attaqué au grand classique Carmen en le revisitant à sa manière. Un challenge osé, mais après une carrière aussi riche et variée, il est certain que Carlos Acosta a eu le temps de s’imprégner des magnifiques ballets qu’il a interprétés, pour produire un Carmen exceptionnel, parfait pour un final.

Mélangeant le théâtre, l’opéra et la danse, imprégnée de classicisme et de contemporain, l’alchimie prend. Les décors minimalistes, les accessoires intelligents ainsi que les costumes subliment le tout pour un exit en beauté, bravo Carlos, après la retraite du danseur, les débuts du chorégraphe?

On tire le chapeau bas sur la fin de soirée au Royal Opera House pour cette programmation, intelligente, qui nous transporte à travers les styles et les époques, pour conclure en apothéose.

Focus: le ciné-live, concept ingénieux ou mort lente du spectacle vivant?

La retransmission en live m’a conquise. Le gros plus, c’est le point de vue, imbattable sur la scène: rien ne nous échappe, la sueur, les émotions des danseurs. Les gros plans nous permettent de scruter avec précision les costumes et d’absorber au mieux la finesse des mouvements. Seul bémol: le choix des points de vue faits par le caméraman, notre regard n’est pas libre. Le confort a donc un prix, qualitatif et quantitatif (compter tout de même 28€ pour la soirée, mais le cocktail est offert ;)).

Pour voir les prochaines diffusions de la saison, c’est ici.

Ne manquez pas Casse-noisette le 16 décembre prochain, pour un avant-goût de Noël.

informations pratiques:

Si vous êtes âgés de 16 à 30 ans, que vous résidez en Grande Région et que vous avez envie d’écrire un article sur une de ces retransmissions en direct, la place est gratuite! Pour plus d’infos, contactez anne@grrrrr.uni.lu. sinon, le tarif réduit est de 23 euros.

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