Debussy dans tous ses états

25 janvier 2019 – Mélanie Petton et Nicolas Margot

Découvrir de nouveaux univers artistiques est toujours enrichissant mais peut aussi parfois être déstabilisant. C’est en tout cas notre ressenti suite à la performance de Sheila Arnold dans le cadre du festival de piano Debussy+ au C.A.P.E. d’Ettelbruck.

En effet, nous avions auparavant rêvé en écoutant Clair de Lune et Arabesques de ce célèbre compositeur français disparu il y a aujourd’hui 100 ans. Raison pour laquelle, nous avons été pour le moins désarçonnés par l’interprétation de Sheila Arnold, pianiste de renommée internationale qui enseigne la musique à l’Université d’Hanovre depuis 2005. En effet, cette artiste allemande de qualité a organisé sa performance par une alternance entre deux pianos situés côte à côte sur la scène: l’un étant un piano-forte tout à fait classique et l’autre un « piano préparé » (c’est-à-dire un piano aux cordes duquel sont ajoutés divers objets qui viennent en modifier le timbre) et dont les sonorités sont tout à fait étonnantes pour une oreille non avertie.

C’est ainsi que les sons consonants, les changements de rythmes abrupts et l’interprétation se sont révélés véritablement difficiles d’accès pour le public venu profiter du festival en ce soir enneigé de janvier. Cependant, le festival de piano Debussy+, qui s’est poursuivi jusqu’au dimanche 27 janvier au C.A.P.E. d’Ettelbruck, recherche cette entrée en résonnance des œuvres du célèbre compositeur français avec celles de compositeurs plus contemporains et bien moins connus du grand public comme John Cage – compositeur américain, inventeur du piano préparé et de la musique de l’indétermination – et Toru Takemitsu, premier compositeur japonais à avoir acquis une réputation internationale, autodidacte, participant à des recherches de relation entre des formes artistiques différentes, comme la poésie, le théâtre, les arts plastiques, et plus encore pour le cinéma. En ce sens, la performance de Sheila Arnold aura réussi à bousculer les représentations des spectateurs et à les amener à s’interroger quant à leur conception de la musique classique.

Après un intermède bienvenu, qui fût l’occasion de discussions animées autour de la première performance, Michel Reis, pianiste de jazz luxembourgeois, est venu interpréter d’autres œuvres de Claude Debussy, dans un registre bien plus classique certes mais aussi bien plus harmonieux et agréable pour les auditeurs présents.

Ses improvisations, sa virtuosité et ses choix de morceaux de Debussy donc mais aussi de Duke Ellington, Bill Evans et Billy Strayhorn ont su conquérir le public. Propices au rêve, ces interprétations évoquaient parfois le plaisir d’une pluie rafraîchissante au soir d’une étouffante journée d’été, un véritable bonheur pour les oreilles et un ravissement par la perfection esthétique autant que technique.

Le Festival Debussy+ a été conçu à l’initiative du nouveau directeur artistique du C.A.P.E., Carl Adalsteinsson et de la pianiste luxembourgeoise Cathy Krier. Parmi les « + » du festival, notons que les élèves du conservatoire ont pu présenter le fruit de leur travail et de leur talent lors d’un concert. Les meilleurs élèves de piano du pays ont également pu bénéficier de master classes animées par les artistes internationaux participant au festival. Au-delà des concerts des artistes confirmés, la formation de la relève est donc également assurée.

Pour profiter des prochains évènements organisés par le C.A.P.E., jète un œil au programme (tarif réduit pour les moins de 26 ans)