Frankenstein

Une réécriture à la hauteur de ce qu’elle nous Prométhée

Victor F. (c) Pierre Grosbois

Nous sommes depuis longtemps habitués à voir l’œuvre de Mary Shelley adaptée au cinéma. Ces visages et ces corps suturés sont pleinement entrés dans l’imaginaire collectif.

Si le personnage de ce monstre a toujours été représenté par un corps couvert de cicatrices, c’est avant tout parce que la jeune londonienne, qui créa à l’âge de vingt ans ce personnage lors de vacances à Genève, imagina que son créateur le fasse naître par l’assemblage de nombreux morceaux de chair arrachés à des cadavres et rassemblés en un seul corps.

Cette vision très sombre est demeurée comme un élément identitaire sans cesse repris dans les adaptations ultérieures. Cependant, pour nous rendre le mythe de ce Prométhée moderne plus proche, Laurent Gutmann s’affranchit de cette contrainte du patchwork de peau. Ici, la créature vient au monde par un procédé qui reste secret permettant au spectateur toutes les interprétations.

C’est l’une des plus importantes trouvailles de cette réécriture. En effet, elle permet une remise en perspective avec les technologies actuelles de clonage, de bébé éprouvette, de cellules souches, ou encore du ciseau génétique. Cette approche permet de faire en filigrane une critique des potentielles dérives que ces technologies font craindre, qu’elles s’inscrivent dans des perspectives eugénistes ou des fantasmes transhumanistes d’apprentis sorciers trouvant enfin un outil pour s’essayer concrètement à leur folie. La pièce nous rappelle la responsabilité de tout créateur (de tout Père) face aux souffrances de sa créature.

C’est donc vers une réflexion sur la vie, ses origines, ses développements et nos responsabilités face à elle que nous entraîne, réplique après réplique, Laurent Gutmann.

On y trouvera également une source de réflexion sur le terrorisme en France qui le soir de la représentation à Luxembourg a atteint le sommet historique de son horreur.

En effet, Frankenstein est également l’histoire de la création d’un monstre et de la responsabilité de son créateur dans la violence qu’il fait subir à la société : « Puisque je ne peux pas te faire ressentir de l’amour, je veux te faire ressentir de la peur, te faire réagir à ma présence pour être enfin considéré par toi. » Si la créature de Victor Frankenstein devient violente, c’est donc avant tout pour obtenir de l’attention à défaut de pouvoir obtenir de l’amour. On pourra y voir l’allégorie d’une jeunesse laissée en marge d’une société et qui ne trouve d’autre manière d’exister que de sombrer dans une violence sans merci, un extrêmisme sans esprit critique alors qu’elle ne recherchait qu’un peu d’amour.

Nicolas Margot

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Victor F. (c) Pierre Grosbois

Victor F. de Laurent Gutmann, d’après le roman Frankenstein de Mary Shelley

Les prochaines représentations de Victor F. sont juste ici!

Les entrées sont à 8€ pour les jeunes, alors n’hésitez pas à vous offrir un bon spectacle dans l’un des théâtres de la ville ! Le programme de la saison 2015-2016 est juste là!