Greta – Neil Jordan (Hors Compétition)

Par Erwin S. le 14.03.2019

Une jeune fille est harcelée par une femme âgée qui n’est pas ce qu’elle prétend être.

Faisons un test. Lors du visionnage d’un thriller contemporain quelconque, tentons d’imaginer en fond une musique de Bernard Hermann. Supposons également que l’image est en technicolor, voire en noir et blanc. Pour finir, remplaçons mentalement l’actrice principale par une blonde élégante et racée, ou l’acteur par Cary Grant ou James Stewart. Si tout semble cohérent, la preuve est faite : nous sommes en présence d’un thriller hitchcockien.

Premier bon point pour Neil Jordan, donc, car Hitchcock aurait pu, s’il avait connu les smartphones, être intéressé par une intrigue similaire. D’autant que contrairement à pas mal de productions récentes ou passées, Greta prend bien soin de contourner les poncifs et autres clichés du genre, ceux qui permettent au spectateur de savoir à l’avance ce qui va se passer, qui va s’en sortir, qui va y rester, et que le méchant se relèvera une dernière fois alors qu’il est très clairement décédé.

Ce n’est pas trahir le film que de révéler ce que l’on comprend très vite dans la bande-annonce : la jeune et jolie Frances (Chloë Crace Moretz), fraîchement débarquée à Manhattan, trouve un sac à main de mamie dans une rame de métro et décide de le rapporter à sa propriétaire. Cette dernière est folle de joie et de reconnaissance et l’invite à prendre un café. Or, on ne refuse pas un café à Isabelle Huppert, surtout quand elle fait ses yeux de chaton abandonné. Les deux femmes se prennent d’amitié et se revoient régulièrement, afin de compenser la solitude de l’une et de soulager la conscience de l’autre, qui a un grand cœur de provinciale.

Malgré les avertissements de sa coloc’ délurée mais plus fine qu’il n’y paraît, Frances devient donc une fille de substitution pour Greta, Française délaissée par son mari (il a de bonnes raisons : il est mort) et par sa fille qui étudie au Conservatoire de Paris. Jusqu’à ce qu’un jour, chez Greta, Frances ouvre par erreur le placard fatidique qui renferme une série de sacs à mains identiques, contenant tous la même chose, carte d’identité y compris, et sur lesquels figure un post-it marqué du nom et du numéro de téléphone d’une victime. Tout s’éclaire alors dans son esprit tandis que son destin s’assombrit franchement, car à mesure que les mensonges de la Française -mais l’est-elle seulement ?- sont révélés, la folie furieuse de cette dernière éclate au grand jour: harcèlement constant de la jeune fille jusqu’à sur son lieu de travail, intimidation des proches, menaces, chantage et autres manipulations, tout cela démontrant que la ruse et la détermination d’un esprit malade peuvent faire frissonner l’échine des plus bourrus 

GRETA © All Rights Reserved
GRETA © All Rights Reserved

Mise en scène efficace, Huppert tétanisante, Moretz convaincante, Stephen Rea toujours impeccable (mais dans un rôle malheureusement bien trop court ; on pense au Hallorann de Shining), retournements malins et résolution habile : c’est une réussite.

Nous retiendrons notamment deux très belles scènes, qu’il vous faudra découvrir sur grand écran dès le 12 juin prochain car nous n’en dirons pas trop : un double-rêve relativement perturbant et une haletante poursuite rythmée par des MMS.

De quoi faire battre -d’angoisse- nos cœurs de cinéphiles.

Greta fait partie de la sélection hors compétition du LuxFilmFest qui se déroule jusqu’au 17 mars.