Jean-François Zygel redonne vie aux danses symphoniques de Sergueï Rachmaninov à la Philharmonie de Luxembourg

Par Nicolas Margot, le 11.03.2019

19h, les musiciens de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg entrent sur scène sous les applaudissements de la salle. Puis viennent le chef d’orchestre, Gustavo Gimeno, et son invité et ami, le pianiste et compositeur français, professeur d’écriture et d’improvisation au Conservatoire de Paris, Jean-François Zygel.

Ce dernier nous invite ce soir à explorer la « dernière étincelle » du compositeur russe Sergueï Rachmaninov (1873-1943): les danses symphoniques qu’il composa au soir de sa vie, en octobre 1940.

Ce russe, exilé aux Etats-Unis après la révolution bolchévique de 1917, était un talentueux pianiste, un chef d’orchestre accompli mais aussi et surtout un compositeur majeur de son siècle.

Romantique après les romantiques, Rachmaninov est anachronique, un peu suranné, à contre-courant même. Mais, de l’émotion, il connaît tous les ressorts et parvient à retranscrire l’intensité et la fugacité. Il nous emmène, à travers cette ultime œuvre, sur les chemins sinueux de la vie qui déclenchent tantôt l’exaltation tantôt la dépression, une alternance juste et éprouvante qu’il parvient à retranscrire par ses compositions d’une technicité d’orfèvre. Si ce romantisme semble si familier à nos oreilles, c’est qu’il a beaucoup influencé les grands compositeurs de musiques de films américains du XXe siècle.

Jean-François Zygel déconstruit cette citadelle polyphonique pour nous en exposer les éléments maîtres, les changements de rythmes, les changements subtils d’énergie. L’œuvre est une véritable architecture de l’émotion où la pensée, aiguisée par les années de  travail et de doutes, parvient enfin à rendre la subtilité de ces ressentis universels.

Notre hôte ponctue son propos de courts extraits interprétés par l’orchestre philharmonique du Luxembourg. Il nous indique les variations des cuivres, les langueurs des clarinettes, des hautbois et des altos, la rugosité des cuivres et les soudaines colères des percussions. Il nous conte l’histoire de cette coda, en fin de première danse, qui fait écho à la première symphonie du compositeur. Ici, ce morceau, qui fût un échec cuisant au début de sa carrière, se mue en un élément clé de son ultime œuvre.

(c) Eric Devillet

Le public présent est conquis, les applaudissements sont nourris. Les trois danses symphoniques s’enchaînent entre sanglots et apaisement, valse gracieuse et profonde douleur. Le spectateur est transporté au cœur de ses émotions les plus intimes et découvre tout le génie de Rachmaninov qui parvient à les lui faire vivre intensément par sa musique.

Une troisième et dernière danse, aux teintes ténébristes, nous emmène au cimetière pour une danse macabre. Ainsi s’achève la première partie du concert.

Chacun profite des vingt minutes de l’entracte pour sortir un moment, boire un verre et se dégourdir les jambes. De retour dans la salle, la scène s’est vidée des instruments qui la peuplaient. Jean-François Zygel est désormais seul, au piano. Place à présent à la musique et à elle seule. Le pianiste, prodige de l’improvisation, repense l’œuvre du génie russe en laissant libre court à son imagination.

Sous la douce lumière zénithale bleutée, il semble seul en pleine nuit, absorbé par la musique à laquelle il dédie sa vie. Sa passion le transfigure. Derrière l’orateur habile, on découvre l’interprète sensible, le musicien que les sirènes de son art appellent au large et qui s’enchaîne au clavier de son piano pour exprimer encore un instant cet élan qui l’agite.

Pour vous en faire une idée, d’autres interprétations des danses symphoniques de Sergueï Rachmaninov sont disponibles sur Internet. Nous vous proposons ici celle dirigée par Edward Gardner.

Si vous préférez le spectacle vivant, nous vous proposons d’assister au prochain dating de Jean-François Zygel consacré à Maurice Ravel ou de l’accompagner dans sa Debussymania.

Enfin, pour ne rien rater des prochains concerts organisés à la Philharmonie, on pourra se (re)plonger dans sa riche programmation.