L’Amant des Muses

par SoMuch Noise le 17.12.2019

Dans la file d’attente pour entrer au Galaxie d’Amnéville, nous pouvons entendre ici et là “Un concert de Saez, ça marque à vie”. Les fans les plus assidus sont là depuis plusieurs heures, d’autres arrivent seulement, ils ont fait la route depuis Paris, Lille ou Mulhouse pour assister au dernier volet de la tournée Le Manifeste commencée en 2016.

L’attente se fait sur le Thème des Quais de Seine puis le rideau se lève sur un court métrage. On vient allumer des bougies pour éclairer faiblement la scène, Damien s’installe avec sa guitare dans un fauteuil baroque rouge – un trône – et joue trois titres en acoustique dont Les Enfants Paradis en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. C’est le premier tableau. Peu d’artistes parviennent à imposer le silence dans une salle qui contient plus de 4000 personnes et peu d’artistes arrivent à m’émouvoir rapidement. Ce soir encore, c’est instantané, la flamme d’un briquet aura suffi pour que mes émotions prennent le dessus sur le réel. Merci pour ce moment de grâce.

Les musiciens le rejoignent, Franck Phan fait toujours partie du groupe, depuis déjà vingt ans. L’éclairage se fait rouge vif, c’est la couleur du chanteur engagé à gauche. L’accordéoniste apporte beaucoup, notamment sur Betty mais aussi à chaque fin de titres que fait durer le public. C’est le second tableau. Je ne sais plus vraiment ni quand ni où je suis ? Est-ce un bal musette ou un concert, Saez est-il chanteur ou poète ? Révolutionnaire ou manifestant ? Avec 12 albums en 20 ans (dont des doubles, des triples et maintenant un quadruple) son répertoire compte plus de 250 chansons. Comme tous ici, j’en connais chaque mot. Avec toute sa bonne volonté, le choix se fait sur environ vingt-cinq chansons donc nous n’entendrons, ce soir, que dix pour cent de son œuvre.

D’ailleurs un concert avec Damien c’est un peu comme une partie de jambes en l’air, j’en ai envie mais je ne sais pas à l’avance s’il sera à la hauteur ni combien de temps ça va durer. Quelques jours avant, à Clermont Ferrand, le coït fut abrégé après deux chansons à cause d’un malaise. Ce soir, chanceux, nous avons droit à presque 4 heures de live.

Le 3ème tableau est contestataire avec, Pilule, des P’tits Sous, Marianne, J’Accuse ou encore Manu dans l’Cul – que je n’écouterais pas en voiture mais qui rend bien sur scène. Si la définition d’un artiste est de dépeindre son époque pour les générations futures alors Saez est un artiste. Si la définition d’un artisan est de mettre son art au service d’autrui, il est aussi artisan.

La soirée se termine avec J’veux qu’on baise sur ma tombe, d’accord mais pas tout de suite. L’homme est fragile et rattrapé par ses excès. Nous avons eu, une fois encore, la chance de l’écouter avant l’annulation de sa tournée pour raisons de santé. Ce dernier album a pour titre la devise anarchiste « Ni Dieu, Ni Maître », fais-moi plaisir Damien, trouve un bon docteur.