Mandy

(Attention, spoilers gratuits)

par Erwin S. à Metz le 04.02.2019

Je pensais d’abord qu’il allait s’agir d’un film à sketches, car le photoreporter qui m’accompagnait m’avait dit « on n’a qu’à aller voir ça, ça a l’air bien, c’est avec Nicole à sketches ».

Or, et nous n’en voudrons pas à mes médiocres qualités d’écoute ou à son accent lorrain, mon comparse voulait parler de Nicolas Cage. L’acteur.

Si voir un film avec Nicolas Cage est en soi une expérience, voir un film avec Nicolas Cage à Gérardmer est encore plus une expérience. Et si voir un film avec Nicolas Cage à Gérardmer est une expérience, voir Mandy, de Panos Cosmatos, un trip hallucinogène parfaitement revendiqué, avec ses hauts et ses bas, ses éclats de rires et ses moments de lassitude, est une expérience ultime.

D’abord, nous sommes entrés dans une salle plongée dans la pénombre la plus profonde, à cause d’une sombre histoire de frites qui nous avait mis en retard pour la projection. Et pénétrer ainsi, les doigts gourds et les pieds froids, les oreilles cassantes et le regard tout imbibé de neige, dans un caveau ténébreux, procure à peu près la même impression qu’enfiler un casque de réalité virtuelle : plus rien n’existe à part l’écran, ce rectangle-phare qui nous guide tant bien que mal, sans trop écraser de pompes sur le passage, vers deux sièges miraculeusement inoccupés.

Deux heures et quelques plus tard, nous avions besoin d’un break, d’un bon break, d’un long break. Notre premier consensus critique, atteint autour d’un bon moka dans une petite échoppe délicieusement rétro dont j’ignore si je peux citer le nom, fut sur la première heure du film : c’est inutilement bavard (un peu comme cet article), cryptique et lent, avec des accents lynchiens assez prononcés pour parler d’influence, voire d’hommage. En gros, on ne comprend pas vraiment où l’on a mis les pieds, et avouons-le, on s’ennuie pas mal. Votre serviteur, toujours troublé par cette sale affaire de frites, se demandait même s’il n’allait pas quitter la salle, mais sa conscience professionnelle fut la plus forte : on ne juge pas un film dont on n’a vu que la moitié, et puis il faut l’avouer, notre curiosité était piquée et nous attendions d’être récompensés pour cet investissement intellectuel.

Et la récompense vint. Après, donc, une première partie déconcertante aux couleurs saturées, aux jolis cartons d’intertitres qui mélangent encore plus les cartes, à la bande-son agressive et omniprésente et aux petites scènes en dessin-animé, vient l’heure de la vengeance. Car on lui a brûlé sa femme, à Cage. Vive, sous ses yeux. Les bourreaux sont une sorte de secte religieuse abrutie, pardon pour le pléonasme, secondée par des motards de l’enfer restés perchés dans un trip à l’über-LSD XXL et qui ressemblent pas mal aux Cénobites de Hellraiser, en moins sympa.

Ce qu’il faut savoir, c’est que quand Nicole à Sketches être énervé, lui toujours faire ainsi : il se forge une méga-hache de berserker toute chromée –rappelons au passage que dans la vraie vie, on ne fait pas couler du métal fondu dans un moule en pierre quand on fait de la coutellerie, le résultat serait atrocement fragile, mais bon, puisque mille films disent qu’on fait comme ça, on va l’admettre- et il va éliminer les méchants un à un. C’est le début du plaisir coupable, d’un empilement de scènes plutôt rigolotes et assez jouissives dans lesquelles l’acteur cabotine à souhait, provoquant au passage l’hilarité généralisée dans la salle de projection. N’ayons pas peur des mots : à partir de là, le film a tout à fait le potentiel pour devenir culte avec ses accents à la Evil Dead et sa « full frontal nudity » qui a aussi fait rire une rangée de spectateurs, qui n’avaient sans doute jamais vu un monsieur tout nu.

Potache, foutraque, BD-esque, drôle et trop long, Mandy est un film dont je n’achèterai sans doute pas le vidéogramme mais que je ne regrette pas d’avoir vu. Mention spéciale à la scène de Cage en slip qui hurle et noie sa détresse dans la vodka, ainsi qu’à la bagarre « my chainsaw is much bigger than yours. Much, MUCH bigger ! »

Bande-annonce :

Mandy était présenté hors-compétition. Il sortira directement en DVD le 6 février 2019