Pucelle (tome 1 : Débutante) de Florence Dupré La Tour

Par Erwin S. le 20.05.2020

Il n’est pas facile d’être une jeune fille dans un monde dominé par le patriarcat.
Il n’est pas facile d’être une jeune fille dans une famille très aisée, traditionnelle et ultra-catho.
Il n’est pas facile d’être une jeune fille quand on ne voudrait pour rien au monde devenir une femme.

Florence Dupré La Tour continue son voyage autobiographique, quatre ans après le premier volume, Cruelle, qui se penchait sur sa propension infantile à torturer les petits animaux.

Cette fois, sa colère est provoquée par la terrible injustice qui l’a fait naître avec deux chromosomes X. Au départ ça semble anodin, et puis quand les sermons de l’église martèlent à n’en plus finir que la femme est une subalterne impure de l’homme tout-puissant, ce que confirme quotidiennement le monde autour d’elle (tous les hommes ont des emplois importants, toutes les femmes restent au foyer et parlent chiffons), ça devient difficile à digérer. Surtout dans une famille nombreuse et rigide où la mère soumise n’oserait jamais contredire le père trop autoritaire et où, grands dieux, on ne dit pas les choses de la vie.

Florence va donc faire l’expérience de la transformation de son corps à la manière de Carrie White, la petite télékinèse de Stephen King : le sang dans sa culotte la terrifie, elle se trouve moche comparée à ses sœurs et le très gros zizi des chevaux la tétanise.

Le pire sera l’avenir, où le sang, la laideur et les gros zizis semblent être au programme, parce que c’est comme ça. Pis, elle va développer des seins et des poils. Mieux vaut mourir !

Tout cela est raconté avec une drôlerie irrésistible, grâce notamment au trait fort attachant de Dupré La Tour et à sa candeur retrouvée l’espace de 180 pages.

Elle nous entraîne de l’Argentine à la France puis en Guadeloupe avant de revenir en métropole (les jobs à responsabilité font voyager les familles) et expose sans pudeur la misogynie de cette CSP ainsi que le racisme ordinaire qui ne se discute pas.

C’est frais, c’est méchant, c’est drôle, c’est cruel, ça fleure le temps d’avant, celui qu’on ne regrette pas, c’est l’histoire d’une petite pucelle.

Pucelle (c) Florence Dupré La Tour

Le tome 2, qui clôturera la trilogie, est à l’écriture.