Rammstein : le concert de l’année !

Par Laurent B. le 22.07.2019

Dire que la venue du sextet allemand sur les terres Luxembourgeoises était attendue relève de l’euphémisme. Au centre des nombreuses (et très diverses) controverses depuis plusieurs mois – le crash du serveur lors de la mise en vente des tickets écoulés en quelques heures, le clip « Deutschland », la question parlementaire sur le risque d’incendie de la forêt voisine à cause de la pyrotechnie, ou encore les cris d’orfraie de l’ULC sur les tarifs du parking – Rammstein est enfin de retour au pays après 8 longues années !

C’est dans le cadre de sa tournée estivale des stades européens que le groupe fait halte à Luxembourg sur un site spécialement aménagé pour l’occasion afin d’accueillir les 18 000 spectateurs, soit la capacité la plus faible de toute la tournée (à titre de comparaison la date Moscovite – également complète – accueillera fin juillet 81000 personnes).

Après avoir laissé notre véhicule sur le tant décrié parking, c’est en navette que nous rejoignons le lieu du concert, nous sommes ensuite invités à emprunter un sentier forestier pendant quelques minutes en veillant à ne pas nous faire attaquer par les redoutables chenilles processionnaires du chêne. L’entrée sur le site – bien connu des festivaliers du regretté Rock-a-Field – se fait sans encombre, il est à peine 16h et il nous reste 5 heures à patienter avant l’arrivée des teutons, l’occasion de faire le tour du propriétaire.

Promenons-nous dans les bois…

D’emblée nous sommes impressionnés par cette monumentale scène érigée au milieu des bois, telle une sombre cathédrale silencieuse posée sous un soleil de plomb et attendant patiemment l’heure de l’Office.

Notre Dame du feu

Nous voyons d’ailleurs les fidèles se presser au stand Merchandising pour se procurer les saintes reliques à l’effigie du groupe, ils forment alors progressivement une file qui découragerait même les croyants les plus dévoués.

Pas ou peu d’attente en revanche dans les nombreux stands de nourriture et les buvettes, les sanitaires n’ont pas été négligés, loin de là, une petite armée de cabines bleues en contrebas se tient prête à contenir les assauts à venir du public.

Bienvenue au Rammstein fest !

C’est une véritable ambiance de mini festival qui règne en cette après-midi ensoleillée à Roeser, je remarque cependant, avec une once d’inquiétude, qu’aucune barrière n’a été prévue pour prévenir les effets éventuels des mouvements de foule… après quelques rafraichissements houblonnés nous prenons position entre les deux colonnes arrière, un emplacement relativement proche du milieu de la fosse mais à distance suffisante pour voir l’ensemble de la scène.

La longue attente commence…

Il reste alors 4 heures à attendre, le public patiente avec comme fond musical les albums du groupe joués en boucle, histoire peut être de subtilement nous rappeler que nous n’allons pas assister à une performance de Céline Dion.

Le duo Jatekok

A 20h deux jeunes femmes se présentent sur le toit de la console arrière gauche derrière deux pianos, le set de Jatekok débute alors avec les reprises des plus grands tubes de… Rammstein natürlich ! Une performance originale qui ne convaincra que moyennement l’assistance semblant déjà usée par l’attente, il est vrai que les délicats accords de piano ont eu davantage pour effet de ramollir les hordes de métalleux (et de leur familles également présentes), dommage néanmoins que le public largement germanophone de ce soir ne reprenne en cœur, en dépit des incitations du duo, les paroles de titres comme « Du Hast » et « Sonne ». Cette tiédeur du public se confirmera t’elle par la suite ?

21h, les cuivres de la composition de Georg Frederich Handel commencent à résonner : le prémonitoire « Musique pour les feux d’artifices royaux ». Sous les ovations du public, Christoph Schneider arrive le premier sur scène et s’installe derrière ses fûts, s’en suit une énorme détonation provenant de l’explosion simultanée des premiers artifices sur toute la longueur de la scène. Le coup d’envoi est enfin donné !

Les fumées noires de « Was ich Liebe »

C’est le calme «Was Ich Liebe» issu du dernier album qui ouvre le concert en douceur, des fumigènes noirs commencent à envahir l’atmosphère comme pour invoquer une arrivée anticipée de la nuit, plus propice au déluge de lumières et de flammes qui nous attend.

Cependant, malgré la persistance du jour sur la première grosse demi-heure du show, la proximité quasi-immédiate de la scène sur un site réduit comme celui de Roeser combinée au surpuissant lightshow ont rendu le concert extrêmement intense dès le début. L’excellent « Tattoo » également issu du dernier opus et digne héritier de l’esprit d’un album comme « Mutter » succède au martial et toujours aussi efficace « Links 2-3-4 ».

La scène et son impressionnant écran escamotable

Changement de tableau et premier coup de chaud de la soirée avec «Zeig Dich » et ses chœurs d’église où les premières volutes enflammées viennent chatouiller les moustaches des spectateurs des premiers rangs.

Premières flammes sur « Zeig Dich »

Le cœur de Till Lindemann, leader du groupe, s’embrase ensuite sur l’indispensable « Mein Hertz Brennt ». Le viscéral et extrêmement glauque « Puppe » (titre évoquant la maladie infantile et la prostitution) prend la suite avec une mise en scène inédite toute droit inspirée de l’Exorciste, une sorte de landau géant contenant un bébé démoniaque s’embrase sous les yeux du public médusé qui est emporté malgré lui dans le cœur de cet enfer via les images retransmises en direct par une mini caméra portée au niveau du visage de Till. Provocateur et un brin malaisant, le Rammstein qu’on aime!

L’effroyable landau de Puppe

Mention toute particulière pour le son, très puissant propre et carré (là où nous nous situons en tout cas), un véritable plaisir pour un concert en plein air. Après «Puppe » nous auront droit à une sorte d’hommage au cultissime « Live Aus Berlin » de 1998, quel bonheur en effet d’entendre de nouveau « Heirate Mich »! Cette setlist est décidément bien construite entre les meilleures nouveautés du groupe et ses classiques. Le délicat « Diamant » où Till taquine gentiment Flake (l’illustre claviériste souffre-douleur du groupe) permet à l’assistance de souffler. Richard, le guitariste, s’improvise ensuite (avec plus ou moins de réussite) DJ, et offre un aparté techno plutôt dispensable en ouverture du single « Deutschland ».

Radio

C’est à partir de ce titre que nous prenons pleinement la mesure de la puissance de l’installation visuelle riche et complexe mais toujours percutante de cette tournée. Rammstein 2019 c’est donc moins d’essence et de flammes mais (beaucoup beaucoup!) plus de LED et d’électricité. L’entêtant et sympathique « Radio » cède la place au trio infernal « Mein Teil » (où comme d’habitude Flake passe littéralement à la casserole), « Sonne » (visuellement le sommet du concert), et « Du Hast » (et son mythique tir d’arbalète déclenchant un aller-retour de fusées entre les deux régies et la scène).

Heirate Mich

Les tableaux visuels se succèdent mais ne se ressemblent pas, et n’en finissent plus d’émerveiller l’assistance. Rammstein a également prévu de surprendre ses habitués et c’est donc sur la scène de la console arrière gauche que les musiciens interprètent au chant « Engel » accompagnés au piano du duo de la première partie.

« Engel » avec le duo Jatekok

Ils rejoignent ensuite la scène principale en canots gonflables, portés par le public, pour être accueillis par Till et son panneau géant « Wilkommen », c’est sur cette transition ludique faisant écho à la crise des réfugiés que le groupe enchaîne naturellement sur le dansant « Ausländer » (« Etranger » en français).

En avant toute !

Nouveau retour dans le temps avec « Du Riecht so gut » suivi par l’inénarrable « Pussy » et son phallus géant que chevauche Till, pulvérisant sur la foule en délire ses confettis blancs. Changement d’ambiance pour le second rappel avec le solennel « Rammstein » et l’impressionnant sac à dos lance flammes.

Les cotillons de « Pussy »
Le sac-à-dos de Till sur « Rammstein »

Après deux heures de show c’est « Ich Will » qui clôture le concert, en début de morceau Till invitera le public à se montrer plus présent « Ein bischen lauter!», on lui concèdera volontiers, et à regret, que le public de ce soir s’est bien gardé de sortir de sa retenue tout au long du concert…

Le groupe quitte néanmoins la scène avec panache, chacun des musiciens posant un genou au sol en signe de respect avant de réapparaître dans l’ascenseur montant la haute colonne enflammée pour saluer une dernière fois les fans, comme pour rejoindre les astres après nous avoir livré ce concert extra-terrestre.

L’UFO Rammstein décolle de la plaine de Roeser

Une dernière polémique est venue ponctuer cette édition, celle de l’évacuation du site. Certains spectateurs mettront ainsi plusieurs heures pour regagner le parking ou le P+R Bouillon. Nous aurons quant à nous mis une heure pour retourner à notre véhicule en nous dirigeant directement vers la sortie à l’issue du concert. Compte tenu de la disposition du site et du nombre de personnes présentes et de la largeur du sentier forestier il ne fallait évidemment pas s’attendre à un retour en 15 min… la rotation des bus s’est effectuée sans accroc jusqu’à l’intervention d’une ambulance sur le site. Dans l’ensemble il m’a semblé que l’organisation [NDLR: Den Atelier] a plutôt très bien géré l’évènement pour une première date de cette envergure…on espère en voir de nombreuses à l’avenir ! Il paraît d’ailleurs qu’un certain Chris Martin s’est invité au show, peut-être pour y effectuer un premier repérage ?  

Setlist :

Music for the Royal Fireworks (George Frideric Handel song)

  1. Was ich liebe
  2. Links 2-3-4
  3. Tattoo
  4. Sehnsucht
  5. Zeig dich
  6. Mein Herz brennt
  7. Puppe
  8. Heirate mich
  9. Diamant
  10. Deutschland (Remix by Richard Z. Kruspe)
  1. Deutschland
  2. Radio
  3. Mein Teil
  4. Du hast
  5. Sonne
  6. Ohne dich

B-Stage

  1. Engel (with Duo Jatekok) (Scala & Kolacny Brothers version)

Encore :

  1. Ausländer
  2. Du riechst so gut
  3. Pussy

Encore 2 :

  1. Rammstein
  2. Ich will

Sonne

(Piano version)

#Ramstein #Den Atelier