Tiiiiime fliiiiies

par Erwin S. le 27.06.2019

Non, cet article ne va pas parler de mouches temporelles, mais bien du temps qui file, comme le suggèrent les deux derniers mots de la chanson Head over Heels des Tears for Fears.

30 années pile-poil séparent les deux concerts du groupe anglais auxquels votre serviteur a eu la chance d’assister. 1989, on avait des boutons, on écoutait les Fears sur K7 audio, on kiffait grave Sowing the Seeds of Love, sauf qu’on ne disait pas grave, et on ne disait pas kiffer.

A peine le temps de cligner des yeux et on se retrouve en 2019, année ô combien futuriste si l’on en croit Blade Runner.

Faute de voitures volantes, le ciel est rempli de smartphones qui saturent l’horizon pour immortaliser les riffs et vocalises du sympathique duo (en l’occurrence un sextet). Ca gâche un peu le paysage, mais les spectateurs ont un peu évolué, ils sont désormais plus de la moitié à filmer à l’horizontale comme des gens qui ont déjà vu un écran de cinéma, et les irréductibles qui s’accrochent aux immondes films verticaux jettent autour d’eux des regards anxieux qui trahissent leur perplexité.

L’abbaye de Neumünster ©Erwin S

Il y a du monde dans la cour de l’abbaye de Neumünster. Une mer de petites têtes contentes frétille sur les premiers accords de Everybody Wants to Rule the World, sonnant le début du concert, alors que d’autres petites têtes contentes font encore la queue pour s’hydrater copieusement. La bibine sécurisée, nous nous plantons sur la gauche de la scène, un peu en retrait, pour savourer les premiers titres. Seeds of Love arrive en troisième position, ça secoue l’assemblée, on ressent la joie à travers la canicule, on ne déplore pour le moment aucun accident de déambulateur ni aucune panne de pacemaker. Oui, la faune est quadra, voire quinqua, voire plus que ça, mais c’est très bien ainsi, on est très très loin de l’auto-tune sans âme et nos oreilles nous remercient.

On se déplace alors sur la droite, un peu en hauteur, pour profiter d’un nouveau point de vue. C’est sympa mais ça sent un peu trop le graillon, rapport aux food trucks garés de ce côté. Du coup, après l’audacieuse reprise du Creep de Radiohead (en 89 ils reprenaient All You Need Is Love, des Beatles, pour mémoire), on pénètre dans le cœur de la foule qui nous traîne et nous entraîne au plus proche de la scène, parce qu’après tout, on ne les reverra peut-être pas, Orzabal et Smith. Dans 30 ans il fera 90° et on ne sera plus très frais.

Alors on savoure, au milieu de la foule en liesse, t-shirts collés à la peau moite, fronts dégoulinants, shorts et chapeaux de paille, on se dandine sur Change, on chaloupe sur Mad World, on vibre sur Woman in Chains, et on chante comme si demain n’existait pas.

On fera semblant de ne pas trop remarquer que le polyglotte Monsieur Orzabal ne tient plus toujours ses notes, chevrote à l’occasion sur une aiguë, parce qu’en toute honnêteté, ça ne dérange personne. Et comme l’ambiance est franchement bonne, après Shout en rappel, on discute avec des inconnus, à droite et puis à gauche, et le consensus est général : tout le monde a adoré cette soirée. Les vedettes y ont manifestement pris du plaisir, ça sentait la sincérité, la joie d’être là (pour la toute première fois au Luxembourg), et si les cheveux sont plus courts et plus gris qu’à l’époque de leur explosion, l’émotion reste absolument intacte.

Vous pouvez retrouver la setlist du concert ici.