Un théâtre décalé

Chicks for money and nothing for free

Le masculin: dans une explosion de testostérone cinq jeunes acteurs dépassent le cadre classique du théâtre qu’on connaît. Le public a écarquillé les yeux, lorsque la troupe « Het Kip & Kopergietery » de Gent s’est rendue sur la scène du TRAFFO à moitié-nue. L’assistante de production Susi Meier s’est spécialement déplacée à Vienne pour inviter la troupe flamande au Luxembourg. Les 28 et 29 janvier 2014 ceux-ci présentaient alors dans les locaux du Carré Rotondes leur pièce auto écrite, qui proposait la vision de leur jeunesse, comme ils nous l’ont confié par après.

La pièce de théâtre physique amène le spectateur à voyager pendant une heure à travers le paysage des stéréotypes masculins. Un fil rouge ne peut être perçu, quand les hommes se battent jusqu’à ce que leurs torses nus rougissent, glissent sur la scène vêtus seulement de mousse à raser ou se remplissent le ventre de bières.

Les scènes se suivent coup sur coup et la pièce nous apparaît aussi rythmée que décousue. Avec la même spontanéité, les acteurs ont inversé la phrase d’une chanson pour trouver le titre « Chicks for money and nothing for free », et ont ainsi bouleversé le TRAFFO.

Ce n’est pas la nudité qui choque dans certaines scènes, mais la volonté de provoquer et d’interagir avec le public en costume d’Adam.

Les images dominent la scène et c’est peut être mieux ainsi, car le luxembourgeois multilingue se heurte à des barrières linguistiques. Ainsi, le dialogue est réduit au minimum, les interjections étant la base…

A la violence exagérée et l’aspect grotesque s’opposent quelques moments d’intimité ; c’est surtout dans ces craquelures des stéréotypes gravés dans le marbre, que la poésie s’épanouit. Le silence d’un seul homme qui remplit la scène, trois corps enchevêtrés en position fœtus dans une boîte en verre, et lorsque les vitres sont embuées de leur souffle, des histoires chuchotées – ce sont les moments les plus tendres et poétiques de la pièce.

Le maniement subtil de la lumière contrastée renferme le public dans la cloche, sous laquelle la pièce de théâtre se déroule. Des intermèdes de guitare et de chant évocateurs agrippent les cœurs des spectateurs et vers la fin de la pièce avec « Wind of Change » de Scorpions, l’espoir naît que les stéréotypes superficiels seront balayés par le vent. Toutefois la pièce se termine par une représentation comique du cliché de l’homosexualité.

Pour les uns « Chicks for money and nothing for free » était un divertissement superbe, pour les autres un choc, en tout cas ce n’était pas ennuyant. Après leur naissance, les symboles étaient souvent engloutis par la caricature et la vulgarité, tellement les acteurs voulaient revivre leurs rêves de garçons et respectivement d’adolescents. A mon avis, pour les classes d’école les entretiens préliminaires, qui ont été proposés par le théâtre lui-même sont aussi nécessaires que des discussions à la fin en raison des gestes sexuels et le fait que la pièce était proposée pour des jeunes à partir de 15 ans.

Reprocher aux cinq acteurs peut-on seulement le manque de profondeur vis-à-vis des stéréotypes qu’ils voulaient initialement analyser. Même la rupture des clichés n’avait rien de vraiment innovateur.

Il reste la question suivante : la faute doit-elle être renvoyée au groupe de théâtre ou à notre société insensible?

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