Vox Lux – Brady Corbet (Hors Compétition)

Par Erwin S. le 14.03. 2019

L’ascension d’une pop star dans une Amérique traumatisée par les fusillades et le terrorisme.

C’est dommage, ce film.

Précédé d’une certaine aura alimentée par le buzz, il avait tout pour faire date.

Cependant, on aurait dû se méfier : la dernière collaboration entre Natalie Portman et la chanteuse Sia avait donné l’une des pubs pour un parfum les plus stupides de l’univers, à la fin de laquelle Natalie nous défiait du regard en nous lançant de manière un peu méprisante « And you ? What would you do for love ? » avant de partir sans même attendre notre réponse, ce qui est assez impoli. D’autant que les trucs de malade qu’elle, elle fait for love dans cette pub, c’est juste crier très fort dans le métro et faire des ronds sur une plage avec une voiture, donc il n’y a pas de quoi donner des leçons, Natalie.

Mais rendons tout d’abord à Brady Corbet ce qui lui appartient : le film démarre brillamment, sur un mass-shooting de high-school admirablement filmé et monté, si tant est que l’on puisse associer une telle horreur avec un tel adverbe. Puis vient un générique audacieux et intégral, rappelant le bon souvenir de Se7en, durant lequel, dans un état de stupéfaction total, on suit un cortège d’ambulances. C’était diablement prometteur et cela nous a rappelé la manière avec laquelle on s’accrochait aux sièges en 1991 lorsque nous découvrions Le Silence des Agneaux pour la première fois. Notons d’ailleurs que Jonathan Demme est honoré au générique de fin, également intégral et à l’envers, ce n’est peut-être pas innocent.

Et puis le soufflé retombe vite. Il faut attendre une bonne heure pour que la jeune rescapée de l’attentat ait suffisamment grandi pour ressembler à Natalie Portman. Une heure durant laquelle elle fait un discours en hommage à ses amis assassinés qu’elle conclut par une chanson que sa sœur et elle ont composée et qui cartonne sur les réseaux sociaux, puis elle est repérée par Jude Law qui produit de la musique et sa carrière décolle en flèche. Une fois adulte et assise comme superstar de la pop, elle doit composer pour garder sa place au sommet des charts comme a dû le faire Madonna face à Britney Spears (ou pour faire plus récent, comme Lady Gaga face à, je ne sais pas, Zaz ?). Du coup elle est gamine et capricieuse, pénible et égoïste, très loin de la madone d’empathie qu’elle était à l’aube de sa carrière. Et puis survient une nouvelle attaque terroriste, plutôt mal orchestrée, sur une plage en Europe de l’Est. Le rapport avec Céleste (elle ne s’appelle pas Natalie Portman dans le film) ? Les tueurs portent des masques dorés qui rappellent son dernier clip.

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Raconter cela, pourquoi pas, mais c’est raconter quoi, exactement ? Que les tueries de masse sont dues aux mauvaises chansons qui fleurissent au hit-parade ? Le film fait l’erreur de s’embourber un peu dans des discours qui se veulent sans doute profonds mais n’éclairent pas grand chose. Nous parle-t-on de musique ? De terrorisme ? De terrorisme musical ? Le sous-titre du film est « un portrait du XXIe siècle », sous-entendant que les attaques armées font désormais partie de notre quotidien sans que cela ne nous fasse lever un sourcil : c’est intégré, c’est là, il faut faire avec, comme le réchauffement climatique, comme Jul, comme Cyril Hanouna.

Viennent ensuite les trop nombreuses et trop longues scènes de concerts. Là il faut prendre une bonne inspiration ou sortir un sudoku, parce que, si l’on n’est pas fan absolu de Sia –qui a donc composé tous ces titres, on risque de s’ennuyer très sérieusement devant le spectacle pénible d’une personne qui chante des chansons que l’on ne connaît pas et qui ont tendance à ne pas nous intéresser du tout. A croire que Brady Corbet est amoureux, soit de Sia, soit de Portman, ou peut-être des deux. L’ennui c’est que pour captiver un public avec des chansons inédites, il faut s’assurer que ces dernières soient en béton armé, comme dans Phantom of the Paradise, The Rocky Horror Picture Show ou Hair. Là, non.

Les acteurs sont cependant plutôt convaincants, avec une Natalie au sommet de son art, ce qui excusera peut-être pour certains les faiblesses du film. La voix off intermittente de Willem Dafoe est résolument envoûtante, même si l’on ne sait pas trop à quoi elle sert (quand ça arrange le réal pour faire des ellipses ?).

Au final on n’a pas compris grand chose, on se demande s’il y a plusieurs couches de lectures qu’on n’a pas su éplucher, mais on se permet d’en douter.

Mais pour finir sur une note positive, avouons que les deux heures de métrage passent vite car on cherche à comprendre, on reste à l’affût, ce qui empêche de sombrer tout à fait dans l’ennui.

Le film est présenté au LuxFilmFest hors compétition et prévu pour une sortie mondiale mais la date n’est pas encore déterminée.