Katatonia ou le retour des maîtres incontestés du Metal mélancolique

Par Laurent B. le 23.05.2019

Presque 3 ans après leur passage à la Rockhal pour défendre leur dernier opus « The Fall of Hearts », Katatonia est de retour dans la capitale des Terres Rouges pour une date un peu spéciale. L’actualité des Suédois n’est en effet pas marquée par la sortie d’un nouvel album ni même d’un EP ou d’un album live… mais simplement par la célébration des 10 ans de « Night is the New Day » qui sera donc joué en intégralité ce soir-là.

Car c’est bien là une tendance récente que je constate, et que je ne m’explique pas vraiment, qui semble s’emparer de nombreuses formations metal, les tournées « anniversaire » d’albums (prenez par exemple The Ocean et Der Weg Einer Freiheit également passés par Esch récemment). Réel intérêt artistique ou opportunité de renflouer les caisses sans passer par la case Studio ? Nous y reviendrons plus loin…

The Cellar Darling (c) Laurent B.

J’arrive juste à temps pour entendre les premières notes de The Cellar Darling et d’entrée je suis agréablement surpris par le monde déjà présent (entendez pour un lundi soir…) et par la qualité de cette seconde première partie (mes obligations professionnelles auront eu malheureusement raison de mon envie de voir Wheel qui jouait juste avant). C’est donc devant un backdrop impressionnant, digne d’une tête d’affiche, que les Suisses présentent leur rock/metal folk aux sonorités médiévales. Découverte totale pour ma part de ces 3 « transfuges » d’Eluveitie (accompagnés de deux autres musiciens) qui offriront au public des compositions variées et accrocheuses dès la première écoute. L’occasion pour moi de découvrir également ce curieux instrument à corde qu’est la « Vielle à roue » utilisée sur plusieurs morceaux par la chanteuse Anna Murphy dont la voix rappelle par moment… Kate Bush. En résumé, ce fut une performance globalement très captivante et maîtrisée (hormis peut-être concernant les « back vocals » du claviériste qui étaient pour l’essentiel inaudibles).

Après que fut hissé le magnifique fond de scène reprenant le visuel de l’album célébré ce soir – signé par l’incontournable graphiste Travis Smith – Katatonia investira les planches enfumées du club de la Rockhal pour la toute première date de cette mini-tournée européenne. De l’aveu même de leur frontman, Jonas Renske, cela faisait un certain temps que le groupe n’avait plus joué en live (très exactement depuis le 2 Mars 2018 à St Petersbourg), on sent effectivement les musiciens très contents de revenir sur scène après leur bref hiatus, à tel point que le ténébreux Jonas nous offrira même – quelle hérésie ! – un début de sourire… et on leur excusera donc pour le coup les deux lancements de morceaux un peu foireux de la soirée (merci pour la mini jam’ session improvisée!).

Katatonia (c) Laurent B.

Blague à part, Katatonia fait partie pour moi de ces groupes qui s’apprécient le mieux en solitaire, au casque, tant leur musique et leurs textes sont un appel déchirant à l’introspection, à une profonde mélancolie voir à une certaine forme de misanthropie. Replacée dans le contexte d’une expérience collective telle que la musique live, la formule continue certes de fonctionner, mais avec moins d’intensité émotionnelle. Je ne boude cependant pas mon plaisir, loin de là, de voir interprétés les différents titres de l’album, notamment « Forsaker » en ouverture, « The Day and the Shade » ou « Liberation ». Après avoir achevé l’album – et donc certains morceaux joués pour la première fois en live – Katatonia nous gratifie ensuite de quelques perles issues des autres albums récents (aucun des 6 premiers) dont le très accrocheur et entrainant « July » et d’une reprise certes sympathique mais pas non plus vraiment mémorable de Judas Priest.

L’exercice de l’album joué dans son intégralité permet donc d’entendre des titres inédits en live mais suppose inévitablement une certaine linéarité ou prévisibilité dans l’enchainement des morceaux, fort heureusement l’ensemble reste très plaisant à écouter, « Night and the New Day » s’il n’est pas le meilleur album du groupe ne souffre pas de défaut majeur. Car s’il n’y a pas vraiment de longueurs s’agissant de cet album précis, le ressenti global est celui d’un rythme plus lent que d’autres dans la discographie de Katatonia. Il manque pour moi la dynamique d’une setlist variée et surprenant davantage l’auditeur et qui ferait honneur au meilleur de toutes les époques d’un groupe en activité depuis… 1991.

Vivement donc la tournée des trente ans !